En trois points [Édition spéciale : Tour des 30 – 2025, 3 et 4/30]
Un début de saison, 15 matchs, et 2 équipes par match : c’est le tour des 30.
1. Le match
Le tour des 30 connaît quelques hantises, et l’une d’elles est évidemment le blowout, ce match à sens unique dont on peut pas tirer grand chose et devant lequel le risque de s’ennuyer ferme est décuplé. Ce derby texan entre Spurs et Mavs était, techniquement parlant, un blowout, au score fleuve décidé quelque part en troisième période et terminé par un garbage time de 6 bonnes minutes durant lequel Bismack Biyombo jouait les premiers rôles – signe généralement annonciateur de la fin des temps. Ceci étant dit, même le pire des blowouts peut être l’objet d’une poussée de hype, et le retour de l’échassier prodige Victor Wembanyama avec une performance fracassante aura largement compensé l’absence de suspense. On avait pourtant cru dès la tentative de alley-oop vers Cooper Flagg en ouverture qu’on aurait un spectacle exaltant ; l’action n’aboutissant pas, on aurait pu se douter qu’un spectacle pouvait s’avérer improductif.
C’est donc l’œil curieux sur une individualité mais morne sur les collectifs que l’on a observé cette rencontre jouée – ce qui n’aidait pas – sur l’inexplicable parquet grisâtre de Dallas, véritable ode visuelle aux conséquences de la production d’hydrocarbures du Lone Star State. Pour tout dire et puisque ce site n’apportera rien de plus aux analyses déjà formulées par tout internet au sujet de Wemby, la véritable information de la soirée restera pour votre serviteur d’avoir aperçu Kelly Olynyk jaillir du banc des Spurs en tenue de ville, laquelle venait confirmer ce dont avait toujours eu le pressentiment : il est impossible qu’il ne soit pas au casting du clip de Sk8er Boi d’Avril Lavigne.
2. Les Spurs de San Antonio (3/30)
Est-il utile de faire un focus sur la performance XXL de Victor Wembanyama ? La question est toute rhétorique, parce qu’il est difficile de s’empêcher de signaler qu’on a encore aperçu, en sa présence, des choses jusque là jamais vues sur un terrain de basket, et en nombre considérable pour un seul match. On l’aura compris, le bonhomme a décidé de faire évoluer son jeu pour démantibuler la ligue au poste et en face up, oubliant (au moins pour un temps) ses gourmandises à trois points au profit d’isolations, voire de pick and rolls joués comme porteur de balle, au long desquels il semble inarrêtable sauf à faire faute, ce qui explique pourquoi le frontcourt des Mavs s’est étouffé dans son foul trouble comme les grandes stars du rock dans leur vomi. Le plus dingue dans tout ça ? Le fait que ses deux premières saisons à (ab)user du tir de loin obligent les défenses, victimes décidément d’un plan absolument machiavélique, à le respecter derrière l’arc et à commit à l’excès, comme sur cet extrait où Lively mord sur la feinte puis se retrouve sanctionné sur un passe-et-va d’école.
Victor n’est évidemment pas seul dans cette équipe des Spurs même pas au complet (Fox et Sochan sur le flanc). Dans un rôle de défenseur point of attack sur le charpenté Cooper Flagg, on aura adoré la prestation tout en agressivité de Stephon Castle, dont la shot chart traduit une menace constante vers le cercle et une volonté de compenser un déficit d’apport au spacing par du déplacement avec ou sans la balle. Dans ce match haché par les fautes, c’est lui qui aura donné le ton niveau énergie. Le reste m’a semblé moins en verve (à moins que « en verve » consiste pour Luke Kornet à distribuer des tartines de coude), quoique suffisant pour accompagner le mouvement, chacun dans son rôle. On demande quand même à les voir manœuvrer contre des défenses qui vont forcément doubler et agresser Wemby à la moindre touche de balle et avant qu’il ne puisse poser son jeu au poste, car les séquences de ball movement initiées dans ce contexte ne nous ont pas toujours paru convaincantes.
3. Les Mavericks de Dallas (4/30)
Grand défenseur de la biodiversité des styles de jeu, j’étais fort intrigué par l’idée poussée à Dallas d’une jumbo lineup offrant le rôle de playmaker principal à Cooper Flagg et sacrifiant au passage le poste de meneur de jeu. J’ai été assez déçu par cette première sortie qui ressemblait à une tentative un peu prématurée de passer le gamin au révélateur. Agressé par Castle, l’ancien de Duke a été gêné dans son maniement de balle et n’a pas souvent pu compenser en s’installant dos au panier. Si l’on devine comment il pourrait jouer ce rôle d’animateur, on se dit que porter son volume à ébullition si tôt dans sa première saison n’est peut-être pas lui rendre service. D’autant que la formule (avec Lively, PJ Washington et Klay Thompson) oblige Anthony Davis à assumer lui aussi un surcroît de responsabilités dans la création. Or on sait bien que chaque seconde d’usage en trop du mono-sourcil nous rapproche de l’inévitable blessure, et il n’aura pas fallu plus de 6 minutes pour le voir procéder à de premiers étirements de mec qui s’est fait mal quelque part, avec ce regard inquiet qui est à la NBA ce que le personnage de Jean-Pierre Bacri est à « On connaît la chanson » (« Oh mon dieu qu’c’est embêtant d’être toujours patraque ! »).
Mais enfin, avouons qu’on passera volontiers quelques errements offensifs à ces Mavs dont la première option en meneur de métier repose sur D’Angelo Russell. Ce qui nous aura bien plus inquiété, c’est une défense en grande souffrance et sans solutions, accablée certes par un désormais candidat au titre du meilleur joueur du monde, mais quand même peu inspirée. On sentait le Jason Kidd taquin qui avait prévu quelques coups de zone pas inutiles pour protéger son secteur intérieur gêné par les fautes (voir l’extrait ci-dessous), mais ça non plus ne suffisait pas, la capacité d’un certain joueur français à traverser comme du beurre (salé) ou à offrir une fixation façon tour de contrôle ayant mis à plat tout le projet. J’aime pas m’étendre sur les équipes qui ont du matos mais prennent une branlée quand je tombe dessus, donc je vais m’en tenir là et les reprogrammer à l’issue de mon marathon de début de saison, pour prendre des nouvelles avant de formuler des jugements raisonnablement définitifs.


